samedi 6 décembre 2025

Une lune d'enfer

 Cette super lune ne m'aura pas porté chance .Au-delà de la nuit qui la précédait, où je fus insomniaque comme pratiquement chaque mois , je voulais, comme  chaque mois, pratiquement aussi  en faire un jour spécial . J'avais acheté des guirlandes de fleurs pour décorer ma chambre, demandé à Sarita de particulièrement soigner le ménage pendant que je m'en allais, et, délice suprême, me faire masser une heure  par Salman . Un régal ! Un petit stop à la boutique . Une petite tasse de thé  sur la terrasse au retour, en riant avec Sarita, qui finissait son grand ménage  de la dizaine (change de literie , vitres, sols à fond, arrosage des plantes, etc.) Et me voilà pressée de me laver la tête , allez savoir pourquoi . Et là, jetant mes chaussures et mon orthèse d'un air amusé, je m'avance pieds nus vers la salle de bains sans réaliser que le sol était encore humide, et surtout que mes pieds étaient encore huilés!   Ce qui devait arriver, donc, arriva : je fis un vol plané, tombai lourdement  en me cognant violemment  le dos sur l'angle  bien aigu  d'une marche carrelée .  Il était 14 heures. La douleur fut telle que j'en perdis connaissance plusieurs fois, pendant quelques minutes,  l'espace d'une demi-heure , et que  je me mis à vomir très régulièrement.  Pour le reste, il était évident qu'au moins 2 côtes étaient fêlées, sinon cassées. Ce qui fait que, quand je fus conduite en ambulance au petit hôpital de Chaudy à 4 kilomètres,  étant incapable de préciser exactement si je m'étais ou non cogné la tête  car je ne m'en souvenais plus,  les medeçins craignant une hémorragie, il fut promptement décidé que l'ambulancier me conduirait  en urgence à une heure d'ici, au grand hôpital de Margao  où ils pourraient pratiquer un scanner cerebral 


Je ne vous dis pas le trauma d'être dans cette vieille ambulance, lancée à vive allure sur les routes cabossées, sans se soucier de savoir ce que chaque trou, chaque bosse entraînaient de douleurs. Il fallut s'accrocher pendant cette heure de route, car en plus, pendant les 58 km qui séparent les deux villes, il a klaxonné sans arrêt sur ces routes toujours très fréquentées. 

Enfin vers 16H nous voici  au grand hôpital de Margao construit il y a 30 ans ( en 1994 je crois)

Ce n'est pas l'Europe . N'oublions pas qu'ils ont dépassé le milliard 479 millions d'habitants ! Le milliard et demi n'est pas loin.  Alors je n'aurais pas dû être surprise de trouver dans la chambre commune où je fus conduite quelques 200 lits  dont l'un allait être le mien pour 1 euro la nuit soit 100 roupies. 

Le calcul est simple : le dortoir est ouvert ; il y a 12 boxes ouverts, de chaque côté d'une allée centrale , soit 24 boxes, et dans chaque boxe  5 lits  (parfois seulement 4) qui se font face. Dans le dortoir où j'étais (il paraît qu'il en existe une dizaine ! ), il y avait des  gens de tous âges, mélangés : des vieux, des enfants, même très petits, des nourrissons qui étaient là avec leur mère hospitalisée. Je pense que c'était le dortoir des urgences . Les examens furent  promptement faits, agrémentés de cris que je ne pouvais retenir quand on me passait d'un brancard sur la table de radio  ou quand l'on me positionnait  dans le scanner. (8 euros le scanner !!! 7 euros la radio)  Rien au cerveau . Fêlures de deux dorsales . Je continue à parier plutôt pour les cassures, puisque je ne peux ni me lever ni me coucher seule,  ni rire, ni tousser, ni prendre plus d'un inspir à la fois !  Les amis, je ne suis pas sortie de l'auberge . Mais je suis sortie de cette cour des miracles, n'envisageant pas de passer une seconde nuit dans ce brouhaha !   


Car inutile de vous dire que certains néons restent allumés, que 200 ventilateurs qui tournent à fond, tous ensemble, font un bruit d'usine, que les bébés pleurent, que les enfants font des cauchemars, que  les mamies souffrent . Une petite descente aux enfers pour moi, qui vous raconte qu'ici, je vis au paradis .Une expérience de plus, comme dit Marine. 

On doit y venir accompagné(e) par une seule personne dans cet hôpital national, mais on ne peut y venir seul(e). C'est dire que si chacun(e) a son accompagnant,  400 personnes dorment là , moitié dans un lit d'hôpital, moitié au pied d'un de ces lits dont le matelas est encore garni de crin de cheval.  Somesh, qui venait déjà de perdre une journée de travail en tant que M. Tuk Tuk , devait rentrer en bus, fermer la boutique de sa femme et revenir le lendemain, ce matin. Il fallait donc qu'il soit remplacé . Dans un dortoir qui a  160 à 200 personnes, il n'y aurait pas assez d'infirmières ou d'aides soignantes d enuit pour couvrir l'un, découvrir l'autre  retendre un drap, couvrir un pied,  remonter l'oreiller  A lors il y a une dizaine de femmes qui attendent a l'entrée de l'hopital, leur couverture sous le bras, qui va les engager pour la nuit de garde. 1000 roupies, soit 10 euros, les 12 heures 


Someh en a choisi une recommandée par le brancardier . Elle s'appelait Salila si j'ai bien compris . Elle ne parlait pas anglais mais j'ai saisi qu'ele etait enceinte  de 3 mois et de jumeaux et bien ennuyée de cette grossesse accident car elle ne savait pas comment , en ayant dejà 2 enfants , son mari et elle allaient  parvenir à en élever 4 ! Elle m'a fait boire de l'eau  régulièrement, installé ma garniture pour la nuit , redressé mes oreillers , massé mes pieds et a dormi aussi heureusement entre minuit et 6 heures, par terre, au pied de mon lit  comme tous les autres. Elle est partie quand Somesh a repris le relais et que j'ai obtenu, un peu difficilement, l'autorisation de quitter l'hôpital, car le médecin savait bien que j'aurais, dans les jours qui venaient, le plus grand mal à m'en sortir. Je lui ai dit que je serais bien entourée, en tant que grand-mère du quartier . Et je l'ai été . Manosj de l'Ourem Café  m'a apporté un potage pékinois. Et un jus de pastèque.  Sushant est passé m'aider. Moukesh est venu deux fois. J'ai le pain du petit déjeuner.  Pooja et Julie  viennent de me déshabiller et de me coucher. Je suis bien calée par deux oreillers et deux coussins .

J'ai pris un somnifère. À demain, les copains. Je vais glisser , sans plus traîner, dans les bras de Morphée. 

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