"Un vieillard marche dans un cauchemar. Le monde est en cendre. Il trébuche dans les marécages, il tâtonne dans la brume et la poussière. Il lui semble que tout a été détruit et balayé, sauf lui. Il est épuisé, privé des brins d’herbe et des fleurs. Il va, éreinté, accablé et inconsolable. Nul coussin de mousse pour se reposer. Ni la voix d’un ami ni le chant d’un oiseau ne l’accompagne, nulle source n’étanche sa soif.
C’était si beau
C’était comment les papillons ?
C’était quel goût les fruits,
Le corps chaud de mes compagnons ?
Soudain il s’arrête sans savoir pourquoi. Quelque chose a changé, peut-être est-ce la lumière derrière lui. Il se retourne, découvre un figuier verdoyant et au pied de l’arbre un enfant rayonnant qui sourit. Le cauchemar s’est éteint, un rêve lui parle.
-Grand-père, viens te reposer dans mon ventre.
Tandis que tout tremblant le vieil homme s’approche, le vent se lève, tourbillonne et l’emporte tel une feuille gracile. Le voilà qui voltige vers la bouche de l’enfant, aspiré dans son monde.
C’était si beau
C’était comment les papillons ?
C’était quel goût les fruits,
Le corps chaud de mes compagnons ?
A l’intérieur du ventre de l’enfant les ruisseaux, les prairies scintillent, les femmes rient près des fontaines, de grands gaillards jouent au soleil avec leurs petits. Il y a là les animaux, les arbres, les étoiles et tous les mondes. L’aïeul régénéré flâne sur des sentiers herbeux, il se baigne dans des lacs d’émeraudes et respire l’air pur des monts bleus. Il marche mille ans au jardin sans fin des histoires et des rêves, dans la nature foisonnante et douce du ventre de l’enfant. A la lisière de ce jardin, le vieux Markandeya ressort par sa bouche. Il est revenu au pays des cendres, au pied du figuier verdoyant, ressuscité. L’enfant rayonnant l’accueille :
-Grand-père, j’espère que tu vas mieux. As-tu vu comme c’est beau dedans ?"
Conte de l’Inde, tiré du Mahābhārata,
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