Bon, je vais être franc.
J’ai été élève du Lycée Louis-le-Grand, de la seconde jusqu’à la deuxième année de prépa (voie Maths-Physique), en passant par la mythique S1. J’ai d’ailleurs eu Jean-Pierre Sanchez, l’ancien professeur de cette classe. Bref, j’ai bien connu la maison.
Avec du recul, cette expérience m’a complètement détruit. Consumé de l’intérieur. Mais pas pour les raisons qu’on imagine.
On entend souvent dire qu’il y aurait trop de pression, trop de travail, trop de compétition, pas assez d’empathie ou de compréhension humaine. Je ne sais pas si ces plaintes sont justifiées ou non, et je ne veux pas m’aventurer sur ce terrain. Ce n’est pas de cela que je veux parler.
La seule chose que je peux affirmer, c’est qu’il y avait trop de lumière. Beaucoup trop.
Et une fois sorti du lycée – que ce soit en grande école, dans la vie professionnelle, familiale, personnelle – tout paraît soudain... insipide. Fade. Vide. Triste. Ennuyeux. Ombragé. Pluvieux.
Même lorsqu’on est comblé, heureux en apparence, les années passées à Louis-le-Grand ne nous quittent jamais.
Je me surprends encore souvent, la nuit, à errer mentalement dans la cour Victor Hugo, la cour Molière, ou dans le petit jardin devant les arcades. Je revois sans fin ces visages éternels, qui ne seront jamais remplacés par leurs photos LinkedIn, lesquelles me donnent la nausée. Je retiens mes larmes en repensant à mes ancien(ne)s ami(e)s, à certains professeurs inoubliables.
L’activité intellectuelle, la vivacité qui habitaient les couloirs et les salles de LLG sont sans égal. Nulle part ailleurs, pas même dans les meilleures universités américaines ou anglaises, on ne peut retrouver un tel élan de vie.
Jamais.
Je ne m’en remettrai jamais.
Ces années-là ne seront jamais égalées.
C’est une terrible souffrance – une souffrance immense – d’avoir vécu son apogée avant même d’avoir vécu tout court.
Je ne sais pas combien de temps il me reste sur cette Terre, mais je redoute de devenir une âme errante dans les couloirs du Lycée, le jour de ma mort. C’était trop beau. Trop intense. Et nous avons tous, nous autres magnoludoviciens, volé trop près du soleil.
Les plus fragiles ont été consumés à jamais.
Je m’excuse de la nostalgie fataliste de ce message. Je ne veux décourager personne de s’inscrire à Louis-le-Grand.
Mais il faut savoir que le jour où l’on quitte cet endroit, cela peut être très difficile à supporter. Et il y a extrêmement peu de gens capables de nous comprendre.

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