mercredi 30 novembre 2022

Une pure merveille






Que le spectacle de  Zingaro Bartabas sur les tinkers irlandais , les "bohémiens" roux en exil dans leur propre pays. Voués à la sédentarisation qui les tue.

D'excellents musiciens bien sûr .Gerry O’Connor (violon et un peu plus que ça),Loic Blejean (pipe, la cornemuse irlandaise)), Ronan Blejean (accordéon) et Jean-Bernard Mondoloni (bodhrán - sorte de tambour irlandais - et piano).

Un chanteur venu du County Offaly . Sa voix vous prend aux tripes. 

Une vingtaine des chevaux  ayant pour noms Angelo, Conquête, Corto, Dan, Dicky, Dragon, Famine, Guerre, Guizmo, Homer, Misère, Posada, Raoul, Ted, Totor, Tsar, Ultra, Oberon, Olimpo, Quijo, Schlimak, Zurbarán, sans compter la mule et l’âne.

Des chevaux et bien sûrs des cavaliers hors pair,  un cardinal , un prêtre et ses moutons qui préfèrent le bouc de  Killorglin,  les brumes qui révèlent le miracle , un mariage,  un enterrement aussi . Un maréchal Ferrand , des dindons Une roulotte qui brûle...Et celles qui finissent par disparaître. 

Des claquettes,  des revenants échassiers affamés,  de joyeuses tablées, des feux de joie ...

De l'émotion à emporter ... Et même  la possibilité de dîner dans un endroit magique.



 Et,  durant le spectacle éblouissant, autant d’artistes  fabuleux autour de  l'humble Bartabas : c'est lui qui les choisis ! 

Henri Carballido, Sébastien Chanteloup, Michaël Gilbert, Mickaël G. Jouffray (danseur), Manolo Marty (artiste force), Perrine Mechekour, Théo Miler, Bérenger Mirc, Leonardo Montresor (corde volante), Fanny Nevoret, Paco Portero, Bernard Quental, Emmanuelle Santini, Alice Seghier,( amie d'Emmanuelle )  Cheyenne Vargas, Dakota Vargas, et David Weiser .

Tous excellents

De la poésie, du talent , de l'adresse, de la discipline , de la joliesse, du rêve , de l'humour :  de l'AMOUR à gogo qui !!! 

Si vous pouvez aller  voir ce spectacle : ne le manquez pas !

C'est un voyant ce Bartabas ! 



Théâtre Zingaro

mardi 29 novembre 2022

Tiré du Blog : " Si près de l'horizon"

 Il y a une page Facebook sur lui : 

https://www.facebook.com/groups/47579534835/


La  vie est bien plus belle lorsque je n'y suis pas.
 
 
Il a été enterré hier, avec les feuilles d'automne, quelques oiseaux étaient là surement, 
et puis des amis...
Son âme connaissait le ciel depuis longtemps, c'est de là qu'il écrivait.
Il fréquentait la solitude, mais nourrissait tant d'amis de ses miettes éparpillées aux quatre vents.
Il connaissait l'intime de la vie et nous le partageait.
Il peignait l'indicible, le simple, le petit.
Il se cachait derrière les mots faisant résonner l'essentiel.
Le lire nous ramenait au profond de notre être oublié.
Il nous ressuscitait notre âme d'enfant.
Tout d'un coup le monde nous semblait merveilleux, 
Il savait nous le montrer enveloppé de papier et de rubans, 
On n'avait plus qu'à ouvrir délicatement.
Il nous montrait que la porte était toujours ouverte. 
Il avait l'élégance de juste montrer...
 

A Marciac

MERCI MONSIEUR BOBIN 


 Ils ne portaient pas un homme de 71 ans mais juste un petit garçon vieilli par la vie qui part rejoindre les anges et les saints dans sa dernière cabane blanche .. ....

tu quittes beni par Dieu ton Creusot rejoindre le cimetière que tu as choisi là-bas à Marciac.. où Dieu existe disais-tu .. Dieu est partout où tu as écris et partout où nous te lisons ....

Patricia Julien

As you please !


 

lundi 28 novembre 2022

Secrets et bavardage

 Je n’ai pas de goût pour les confidences que s’échangent les femmes entre elles. Trop souvent, on voit le secret de l’une, sitôt franchi ses lèvres, porté à la connaissance des autres. Il devient leur jouet et elles en disposent à leur guise. Ce ne sont que broderies et arabesques, chacune y ajoute ses motifs et ses couleurs, et la réalité de l’affaire disparaît sous les ornements.

Il ne reste plus rien alors de ces instants où l’on a cru se livrer à un cœur compatissant, à une âme bienveillante, et confié sans défiance, dans un tendre rêve de gémellité, les tourments les plus sombres ou les pensées les plus raisonnables. De cela je ne veux pas. 

Les Heures silencieuses de Gaëlle Josse.


J'en  connais pourtant des femmes qui ont dans le coeur une chambre à secrets , ce sont des f'âmes à qui l'on peut tout dire, des gardiennes nées . J'en connais quelques unes qui ne m'ont  jamais trahies et beaucoup qui ont tout travesti  mais  aujourd'hui, imprudemment, je dis facilement tout à tous  car vraiment  je m'en fous...de ce qu'en font  ou en feront les indiscrètes, les bavardes, les non respectueuses... Ce qu'elles raconteront parlera plus d'elles que de moi.  

Qu'est ce qu'il disait le Jésus en question déjà ? 

Je vous le dis: au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine qu'ils auront proférée.

Luc 12
2Il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu. 3C'est pourquoi tout ce que vous aurez dit dans les ténèbres sera entendu dans la lumière, et ce que vous aurez dit à l'oreille dans les chambres sera prêché sur les toits
.

Jeune, j'appelais Anne Marie mon " amie-poubelle" : je venais déverser en elle  tout ce dont il me fallait me délester pour continuer à grandir :  récriminations, déceptions, trahisons . Je l'arrosais de larmes . Elle n'était pas sentimentale . Elle faisait mieux que moi le tri . Elle me trouvait les solutions , classait les interprétations,  chassais les récurent démons . Je ne pense pas que je l'abimais! elle avait ce don de  com-prendre  "la réalité de l'affaire", de tendrement m'entendre.  Et je repartais chaque fois plus forte et plus douce à la fois, le sac vide et le coeur plein de son authentique présence.

Ma belle amie Fabienne


      Fabienne Marsaudon Hier soir … dans la chaleureuse ambiance cabaret du Moulin vert à QUIMPER.

Une mère comme une autre

 

Ma mère avait beaucoup de problèmes  Elle ne dormait pas et se sentait épuisée. Elle était irritable, grincheuse et amère. Elle était toujours malade, jusqu'au jour où, soudainement, elle a changé. La situation était la même, mais elle était différente.

Un jour, mon père lui a dit : - Je cherche un emploi depuis trois mois et je n'ai rien trouvé, je vais boire quelques bières avec des amis. Ma mère a répondu : - Vas-y . 

Mon frère lui a dit : - Maman, je vais mal dans toutes les matières à l'Université... Ma maman a répondu : - D'accord, tu vas guérir, et si tu ne le fais pas, eh bien, tu redoubles le semestre, mais tu payeras les frais de scolarité. 

Ma soeur lui a dit : Maman j'ai cassé la voiture . Ma mère a répondu : D'accord ma fille , emmène là chez le garagiste , trouve comment payer la réparation et pendant qu'ils la réparent déplace-toi en bus et en métro 

Sa belle fille lui a dit : : Belle -Maman je viens passer quelques mois avec toi . Ma mère a répondu : D'accord , installe- toi sur le canapé du salon et cherche des couvertures dans le placard . 

Nous nous sommes réunis  chez elle , inquiets que nous étions de voir ses réactions . On soupçonnait qu'elle avait vu un médecin qui lui avait prescrit des pilules de "je m'en fous" d'environ 1000Mg 

On soupçonnait qu'elle serait probablement aussi en train d'ingérer une overdose. Nous avons alors proposé de faire une "intervention" auprès de ma mère pour la sauver de toute dépendance éventuelle qu'elle aurait envers certains médicaments anti-colériques. Mais quelle a été la surprise, quand nous nous sommes tous réunis autour d'elle et que ma maman s'est expliquée : 

« J'ai mis longtemps à réaliser que chacun est responsable de sa vie, j'ai mis des années à découvrir que mon angoisse, ma mortification, ma dépression, mon courage, mes insomnies et mon stress, n'ont pas résolu vos problèmes mais n'ont fait qu'aggraver les miens. Je ne suis pas responsable des actions des autres mais je suis responsable de mes réactions. Par conséquent , j'en suis venue à la conclusion que mon devoir envers moi-même est de rester calme et de laisser chacun résoudre ses problèmes à la manière qui lui correspond. 

J'ai suivi des cours de yoga, de méditation, de miracles, de développement personnel, d'hygiène mentale, de vibration et de programmation neurolinguistique, et en chacun d'eux , j'ai trouvé un dénominateur commun : finalement ils mènent tous au même point. 

Et, c'est que je ne peux interférer qu'avec moi-même, vous avez toutes les ressources nécessaires pour résoudre vos propres vies.  

Je ne peux vous donner mon avis que si vous me le demandez et cela dépend de vous de le suivre ou non. Alors, désormais, je cesse d'être : le réceptacle de vos responsabilités, le sac de votre culpabilité, la blanchisseuse de vos remords, l'avocat de vos fautes, le mur de vos lamentations, le dépositaire de vos devoirs, qui doit résoudre vos problèmes ou changer un pneu pour chaque fois vous décharger de vos responsabilités. 

Désormais, je déclare tous les adultes indépendants et autonomes.

Tout le monde chez ma mère était sans voix. A partir de ce moment là , la famille a commencé à mieux fonctionner car chacun dans la maison sait exactement maintenant ce qu'il doit faire.






My mom had a lot of problems. She did not sleep and she felt exhausted. She was irritable, grumpy, and bitter. She was always sick, until one day, suddenly, she changed. The situation was the same, but she was different. 

One day my dad said to her: - I've been looking for a job for three months and I haven't found anything, I'm going to have a few beers with friends. My mom replied: - It's okay.

 My brother said to her: - Mom, I'm doing poorly in all subjects at the University ... My mom replied: - Okay, you will recover, and if you don't, well, you repeat the semester, but you pay the tuition. 

My sister said to her: - Mom, I hit the car. My mom replied: - Okay daughter, take it to the workshop, find how to pay and while they fix it, get around by bus or subway. Her daughter-in-law said to her: - Mother-in-law, I come to spend a few months with you. My mom replied: - Okay, settle in the living room couch and look for some blankets in the closet. 

All of us at my mom's house gathered worried to see these reactions. We suspected that she had gone to the doctor and that she was prescribe some pills of "I don't give a damn about 1000 mg." She would probably also be ingesting an overdose. We then proposed to do an "intervention" to my mother to remove her from any possible addiction she had towards some anti-tantrum medication.

 But what was not the surprise, when we all gathered around her and my mom explained: 

"It took me a long time to realize that each person is responsible for their life, it took me years to discover that my anguish, my mortification, my depression, my courage, my insomnia and my stress, did not solve their problems but aggravated mine. I am not responsible for the actions of others, but I am responsible for the reactions I express to that. Therefore, I came to the conclusion that my duty to myself is to remain calm and let each one solve what corresponds to them. I have taken courses in yoga, meditation, miracles, human development, mental hygiene, vibration and neurolinguistic programming, and in all of them, I found a common denominator: finally they all lead to the same point. And, it is that I can only interfere with myself, you have all the necessary resources to solve your own lives. I can only give you my advice if you ask me and it depends on you to follow it or not. So, from now on, I cease to be: the receptacle of your responsibilities, the sack of your guilt, the laundress of your remorse, the advocate of your faults, the wall of your lamentations, the depositary of your duties, who should solve your problems or spare a tire every time to fulfill your responsibilities. From now on, I declare all independent and self-sufficient adults.

 Everyone at my mom's house was speechless. 

From that day on, the family began to function better, because everyone in the house knows exactly what it is that they need to do. ❤️

Credit:Oliviral

dimanche 27 novembre 2022

Une autre interview récente sur " Le Muguet Rouge"



« L’âme est une espèce à protéger. »

Rencontre avec un passeur d’ « âme » et de Vie.
CHRISTIAN BOBIN-La Vie 20 octobre 2022

« L’âme est une espèce à protéger » INTERVIEW MARIE CHAUDEY
Le poète du Creusot revient avec '' le Muguet rouge'', un recueil plus mordant que jamais sur notre modernité. Et un Quarto Gallimard regroupe 17 œuvres de ce rebelle contemplatif.

Le Muguet rouge, au titre énigmatique, est un petit livre aiguisé comme une lame, qui rentre dans le dur de notre modernité. Le poète en colère y moque les économistes – ces « bouilleurs de chiffres », fustige la folle vitesse qui régit nos vies. Dans le collimateur de Christian Bobin : les écrans qui absorbent notre temps de cerveau disponible, happent nos esprits mais aussi nos cœurs. Les métaphores s’enchaînent – « l’œil du cyclope », « le Gutenberg du diable », « le miroir des aveugles »… Haro sur « les chiens électroniques » qui nous tiennent en laisse au quotidien. L’heure est grave et le poète, plus vigilant que jamais.

LA VIE. Votre recueil porte une férocité nouvelle, pourquoi ?

CHRISTIAN BOBIN. Parce que le temps presse. Les cavaliers de l’Apocalypse sont arrivés à notre seuil, ils attendent que l’on ouvre. Et même à travers le bois de la porte, ils nous regardent… Je souligne que, dans son sens originel, l’apocalypse n’est pas une fin du monde, mais d’abord un dévoilement. Et précisément, c’est celui-ci que nous refusons : nous ne voulons pas voir ce que nous avons fait à cette terre et ce que nous sommes devenus. La situation a été tenable un moment, mais désormais elle se retourne contre nous. Dans la Bible, les quatre cavaliers de l’Apocalypse du texte de Jean (Apocalypse 6) amènent la guerre, les épidémies, le désordre financier et le feu de la nature… N’avons-nous pas chacun de ces maux devant les yeux tous les jours ? Nous en sommes arrivés à un abaissement spirituel, l’âme est devenue une espèce à protéger. Je me suis dit qu’il était peut-être temps, au moins une fois, au moins dans ce recueil, de voir au mieux, et d’aider le lecteur à voir lui aussi. Simplement voir. Loin de moi l’intention de faire un livre de morale – je n’aime pas ça de manière générale : le confort des sièges bien rembourrés pour le bien, et l’inconfort du petit tabouret boiteux pour le mal. Ce recueil n’est pas non plus un condensé d’opinions et de pensées. Je nourris juste l’ambition que le langage, en se densifiant jusqu’à son point de brûlure, ait une chance de réveiller quelque chose chez quelques-uns.

« La mort devenait de plus en plus miniaturisée, des paillettes électroniques dans ses cheveux de cendre » : vous y allez fort !

C.B. Je ne souhaite pas non plus que l’on sorte déprimé de cette lecture. Car la fin du monde, c’est à chaque seconde, depuis que nous sommes nés, depuis toujours pour toute l’humanité. Pour l’homme des cavernes, la fin du monde commence par un grognement qui sourd du noir de la grotte où il a cru trouver refuge. Aujourd’hui, pour nous, la fin du monde est en jeu dans le dialogue des êtres et dans le maintien de l’humain à l’intérieur de l’humain. Elle n’est pas tant dans les machines, même si celles-ci aident beaucoup à notre destruction, mais elle est d’abord dans le face-à-face – comme aurait pu le dire le poète Jean Grosjean : est-ce que toi qui me parles tu es là ? Est-ce que moi qui te réponds je suis là ? Est-ce que, par la parole, nous allons enfin ouvrir une fenêtre dans ce monde qui nous étouffe ? La chance de créer cette brèche est toujours possible, mais il y a urgence. J’ai écrit ce livre en croisant deux sortes de paille : la paille sombre d’aujourd’hui – on nous fait avaler par jour l’équivalent d’un siècle entier de poison et de désastre – et puis la paille toujours existante, parce qu’invincible, de l’invisible : celle de l’amour quand il est à son point d’envol entre deux êtres ou celle d’un poème qui est encore vivant alors qu’il a été écrit il y a quatre siècles – les absents aussi peuvent nous aider. Mais il faut d’abord voir en face le mal qui vient : pour se sauver, on doit reconnaître son étendue.

N’y a-t-il pas deux visages différents de la mort, que vous opposez dans le Muguet rouge ?

C.B. En effet, il y a une mort dont on se remet paradoxalement assez bien, c’est celle qui arrive à chacun de nous par la loi de la nature. Une fleur éclot sur terre, donne sa lumière, séduit quelques abeilles et, le soir venu, se replie sur elle-même, fane et meurt. Il en va de même pour nous : nous sommes voués à une mort qui n’est pas un abandon de souveraineté mais une métamorphose. C’est une chose qu’il serait folie de vouloir empêcher, comme les apprentis sorciers de la Silicone Valley en ont le sinistre projet. Car la mort est un sacre pour chacun, fut-il le plus pauvre ou le plus mal famé, on est confié à ce moment-là aux bras innombrables de l’invisible. Mais il y a une deuxième sorte de mort, dont il est difficile de sortir une fois qu’on y est entré. Elle est à l’intérieur même de la vie courante et nous est donnée par les injonctions du monde et la nécessité non expliquée de penser et d’agir de plus en plus vite, d’aimer de moins en moins, de vouloir de plus en plus. Cette mort-là, absolument désolante, dont personne ne porte le deuil, j’ai souhaité la montrer au plus près dans le Muguet rouge. C’est une mort sournoise qui commence par vider les yeux, et ensuite le cœur.

Votre ville du Creusot est une cité marquée par l’épopée industrielle : avez-vous ressenti ses méfaits dès votre jeunesse ? Vous mettez un P majuscule ironique au mot progrès…

C.B. Le « Progrès » a pris la place de Dieu. Il y a cette croyance absurde et morbide qu’il suffit de continuer sur sa lancée pour s’en sortir : qu’en élargissant la tache, on va la faire disparaître ! Quand en aura-t-on fini avec cette foi stupide en un « Progrès » qui va résoudre les problèmes du « Progrès » ? Comment peut-on demander à ce qui nous tue de nous ressusciter ? Durant mon enfance, au long des années 1950-1960, l’épopée industrielle et technique commençait déjà à s’essouffler. J’ai senti le poids des choses en train de s’effondrer sur elles-mêmes. C’est en en prenant le contre-pied que j’ai voulu écrire. Ce n’est pas un hasard si j’essaie de faire de l’écriture un rameau aérien, quelque chose de plus léger que la légèreté même. Parce que j’ai baigné dans cette atmosphère d’une cité dite « ouvrière », presque pharaonique à l’époque : je voyais les esclaves égyptiens défiler sur leur vélo pour répondre à l’appel des usines. Ils avaient une fierté – que je comprends d’ailleurs, parce qu’on leur donnait encore à l’époque une reconnaissance pour ce travail. Et en échange, on leur offrait une protection – tout cela a disparu très vite. J’ai connu cet univers par sa surface très pesante et par son dogme du travail – un monde qui nous empêche d’être… C’est parce que j’aime les gens que je n’aime pas le monde. J’ai connu la puissance financière, orgueilleuse, matérielle et tellurique du monde. Elle a ses beautés, comme un volcan a ses éclats. Mais il m’a paru nécessaire de sortir très vite de là pour rencontrer quelqu’un, pour avoir la chance de donner leur vie pleine aux chansons d’amour du XVIe siècle. Et je peux témoigner qu’elles sont vraies, dans une amitié profonde entre deux personnes, dans un lien qui n’est plus d’avidité ni d’emprise, mais de respiration commune, enjouée et élargie.

« L’absence, le vide, le manque, qu’avez-vous fait d’eux ? Ce sont notre seul bien », affirmez-vous…

C.B. Ces choses-là sont la source de la beauté. C’est de nos nuits de désespoir que va fleurir une glycine qui se penche par-dessus un mur. C’est de nos déchirures, de nos doutes et de nos manques que naissent des palais dans les cieux et toutes sortes de printemps imaginables. Si nous nous coupons de ces racines profondes, alors nous nous coupons des fleurs et des fruits qui viennent après et naissent d’elles. Il y a un lien entre la plénitude et le manque, entre le visible et l’invisible. Je n’écris pas pour réparer, je n’ai pas cette prétention-là, mais pour faire se rejoindre ce qui a été disjoint par notre inattention, notre paresse, et par la violente modernité. J’écris pour qu’on puisse à nouveau ressentir le frôlement de l’invisible dans le visible, ici-bas. Je ne dis pas qu’il y a un autre monde, je n’en sais rien, bien que j’en aie souvent le soupçon. Mais je dis qu’à l’intérieur de notre monde terrestre, il y a des choses à la fois faibles et immortelles, très précieuses, qui nous mettent leur main sur l’épaule et nous demandent de faire attention à nous. J’écris en espérant faire entendre cette parole que nous massacrons avec nos bruits, notre avidité et notre insensibilité grandissante.

Votre recueil ouvre sur ces mots : « Mon père mort me montre deux brins de muguet rouge. » Pourquoi cette couleur ?

C.B. Je ne suis pas l’auteur de l’expression, c’est bien mon père disparu qui m’a nommé cette merveille dans un rêve que j’ai fait. Tout vient d’une parole, comme une étoile descendue dans le puits du sommeil et qui m’a donné ce cadeau incroyable du livre entier, en fait. Car mon père m’invite ensuite à chercher ceux qui cultivent le muguet rouge : ils sont de sa famille et il me pousse à les reconnaître. Une fois éveillé et me mettant à écrire, le muguet rouge m’est apparu comme un paradoxe vivant. Dans l’imaginaire, le muguet est nécessairement vert et blanc. Mais qu’est-ce qui existe et qui n’existe pas ? C’est Dieu, c’est l’amour et c’est le muguet rouge… C’est une grande vertu tantôt de ne pas être là, et tantôt d’être là, cela permet d’échapper à toute incarcération dans un dogme, dans une définition et un confort. J’ai reconnu que ceux qui étaient porteurs du muguet rouge, ce rouge battant du cœur, sont pour la plupart des inconnus qui aident à maintenir le monde à flot, à ne pas avoir le souffle complètement brisé, et peut-être même à commencer un début de réenchantement. La confrérie du muguet rouge est une sorte de compagnie secrète…

… qui seconde le poète ?

C.B. Si le poète a un rôle, c’est de rehausser le langage à son point d’incandescence. C’est par les yeux du langage que nous voyons. S’ils se sont fermés à force de publicité et d’abrutissement, qu’au moins quelqu’un ici ou là redonne à ce langage sa splendeur native, et nous remette au premier matin du monde, qui peut toujours venir. La fin du monde est juste à côté du premier matin du monde. Ce n’est pas si compliqué de tenter un pas de côté : il peut être fait à tout moment, même aujourd’hui alors que nous commençons à payer le prix fort. Comment ne pas voir le paradis à côté de l’enfer ? Mais désormais, l’enfer est tellement ronronnant que nous perdons même de vue son voisin. Au fond, sans lâcher une seconde un instinct contemplatif, c’est pour donner à la douceur réelle des choses sa vraie lumière qu’il m’a fallu éclairer aussi la face sombre du monde. Mais les choses d’esprit sont vivantes à jamais et pour toujours. Le sourire de mon père, qui a déjà eu lieu il y a plus de 20 ans, hante mes livres. Les vrais instants ne sont jamais pris par le temps, car ils étaient déjà saisis par l’éternel. Écrire, c’est travailler du côté de l’éternel, je suis un petit soldat au service de l’invisible, un simple maquisard.

À vos yeux, « cimetières et librairies sont les derniers endroits civilisés ». Pour quelles raisons ?

C.B. Pour une revue de bibliophiles, j’ai écrit un jour un petit texte que je n’ai d’ailleurs pas retrouvé. J’ai inventé un gardien de cimetière, qui, un peu lassé par la monotonie de son métier, inscrivait sur les tombes des gens des titres de livre s’accordant à leur personnalité et leur vie passée. J’ai ainsi rassemblé les deux sujets qui m’importent : les livres et les disparus. Les vies sont comme des livres, et les livres sont comme des vies, les deux sont vivants… Les deux sont inséparables. Il faut que dans la vie tout soit vivant, qu’entre nous tout soit vivant. Il faut que chaque phrase d’un livre soit bondissante comme un enfant qui va au réveil déranger le sommeil de ses parents. Et c’est ainsi que l’humanité peut s’en sortir…

Votre lumière

Ne soyez pas consternés par la brisure du monde 
Tout se casse . Et tout peut être réparé 
Pas avec le temps, comme ils disent, mais avec l'intention .
Alors allez-y ! Aimez intentionnellement, de façon extravagante, inconditionnellement 
Le monde brisé attend dans le noir la lumière que vous êtes 



 “Do not be dismayed by the brokenness of the world.

All things break. And all things can be mended.
Not with time, as they say, but with intention.
So go. Love intentionally, extravagantly, unconditionally.
The broken world waits in darkness for the light that is you.”
L.R. Knost
Tijana Lukovic @tijanadraws

Transmis par Mary Lanier - Merci

samedi 26 novembre 2022

Guillaume




Le Papa de Laura, Felix et Némo Schiffman 

        

                                               Aujourd'hui a 60 ans déjà . Belle décennie à lui 

 

Sans commentaire

 


Fair-part


 




Er elle devint Lydie Bodin .

AB-SENS

 Le front aux vitres comme  

font les veilleurs de chagrin 

Je te cherche par-delà l’attente

Par-delà moi-même

Et je ne sais plus tant je t’aime

Lequel de nous deux est absent.

PAUL ELUARD




Posté par Maela Paul sur FB . Merci Maela

vendredi 25 novembre 2022

5000 years ago


Il y a 5000 ans, ici même, une forêt de pins dans le Connemara 
La grosse tempête qu'il vient d'y avoir a mis à nu des troncs d'arbres depuis ces temps enfouis 


Michael Gibbons nous dévoile  par ces photos un tout autre paysage ! 



"
Storm surges sweep away an overburden of sand a gravel revealing a bog and a forest of ancient pine trees." said He.