jeudi 10 mars 2022

Glané par -ci, par- là


Décidément Fréderic Tellier aime appuyer ses fictions sur des histoires vraies. Après l’Affaire SK1 et Sauver ou périr qui faisaient le portrait d’hommes engagés dans leur profession (l’inspecteur de police chargé de l’enquête sur le tueur en série Guy Georges pour le premier, un pompier gravement blessé dans son acharnement à éteindre un incendie pour le second), le cinéaste s’est lancé un autre défi, plus ambitieux encore : celui de dénoncer un scandale écologique d’envergure internationale, en l’occurrence l’empoisonnement de la planète par les pesticides. A cause de l’opacité du milieu (il y a peu de documents publics sur les ravages de l’industrie agrochimique), son enquête, déclenchée par la lecture d’un des rares livres publiés sur le sujet, a duré cinq ans. Cinq années qui ont fini par l’élaboration d’une première version de scénario. Une version que le réalisateur a ensuite longuement remanié  avec  Simon Moutaïrou, scénariste  personnellement très engagé sur les questions de l’écologie. Il a encore fallu quelques mois de travail au duo pour aboutir au scénario final. Dans le genre, un petit bijou. Solide et inattaquable sur le fond, il est sensationnel de suspense sur sa forme. Non seulement il multiplie les points de vue (d’où la dizaine de ses personnages-clefs) mais il échappe au militantisme lourdingue et aux discours trop techniques. On est dans un thriller de haute volée.




Erin Brockovich (2000), La Fille de Brest (2016), Au nom de la terre ( 2019), Dark Waters (2019), Rouge (2020)… Depuis une vingtaine d’années, les films qui dénoncent les scandales sanitaires et écologiques se multiplient sur le grand écran. Ce Goliath s’ajoute à leur liste. Comme eux, il est inspiré de faits réels, comme eux aussi, il est destiné à éveiller les consciences. Les bons sentiments ne faisant pas forcément les meilleures oeuvres, il aurait pu rater sa cible. Il met dans le mille ! Documenté, rythmé, limpide, pédagogique aussi, tenu de bout en bout par un scénario haletant et une interprétation cinq étoiles — aussi bien dans l’émotion que dans le cynisme — Goliath se hisse parmi les meilleurs films de sa catégorie. Palpitant et… terrible.



 La distribution est éblouissante. Dans les seconds rôles (Marie Gillain, Jacques Perrin, Yannick Rénier, Laurent Stocker), comme dans les premiers. Dans un personnage à contre-emploi, celui d’un lobbyiste sans état d’âme, Pierre Niney est saisissant de cynisme déshumanisé. Dans celui d’une femme déboussolée et indignée, aussi, par la mort annoncée de son mari empoisonné par les émanations de produits pesticides, Emmanuelle Bercot  est déchirante. Quant à Gilles Lellouche, il est  époustouflant d’humanité et d’écoute dans son personnage d’avocat solitaire et jusqu’au-boutiste. Habité comme jamais, le comédien tient là sans doute l’un de ses plus grands rôles.


Avec "Goliath", Frédéric Tellier espère alerter les candidats à la présidentielle

Avec un casting XXL (Pierre Niney, Gilles Lellouche, Emmanuelle Bercot), le film interpelle le public sur les dangers des pesticides et des lobbies à un mois de la présidentielle.

CULTURE - À seulement 32 jours de l’élection présidentielle 2022 sort ce mercredi 9 mars le film Goliath, un thriller écologique saisissant sur le monde de l’agrochimie, des pesticides et des lobbies à Bruxelles. À en croire son réalisateur, Frédéric Tellier ce serait un heureux hasard. Il espère en tout cas que les candidats s’empareront de son film pour davantage évoquer les questions environnementales dans la campagne, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article.

Goliath raconte le combat de France (Emmanuelle Bercot), une professeur de sport le jour, ouvrière la nuit qui milite activement contre l’usage des pesticides. Elle va croiser la route de Patrick (Gilles Lellouche), un avocat parisien qui lutte contre un géant de l’agrochimie, Phytosanis, dont un désherbant, la Tétrazine, aurait tué une de ses clientes. Un combat qui s’annonce rude face à des lobbyistes dont Matthias (Pierre Niney), prêts à tout pour défendre les intérêts de leur client.

Une fiction très largement inspirée des nombreux scandales de santé public des dernières années, parmi lesquels le chlordécone. Cet insecticide utilisé dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique a contaminé plus de 90% de la population adulte selon Santé publique France. Ou encore le scandale du glyphosate, désherbant classé “cancérigène probable”par l’OMSdepuis 2015 et jamais interdit par Emmanuel Macron, malgré ses promesses en 2017.

“90 % de ce qui est dans le film est vrai”, assure au HuffPost Frédéric Tellier, qui a eu l’idée de faire un film sur le sujet après avoir lu plusieurs livres sur les enjeux environnementaux, dont Le livre noir de l’agriculture, de la journaliste Isabelle Saporta.

Dans Goliath, il y est question de l’influence des lobbies dans la prise de décisions politiques, ainsi que de la réponse des mouvements de désobéissance civile comme Greenpeace ou Extinction Rebellion, dont certains activistes ont été consultés pour l’écriture du scénario.

CAROLINE DUBOIS - "GOLIATH"
Le réalisateur Frédéric Tellier a rencontré plusieurs activistes pour le climat afin de rendre crédibles les scènes de désobéissance civile, comme cette manifestation avec Emmanuelle Bercot

“C’est le hasard de la vie, mais je n’ai réalisé que des histoires vraies ou en tous les cas des faits réels et j’y ai pris goût. J’ai toujours cette envie que ce soit extrêmement précis et de ne pas être à côté de la plaque,” poursuit celuià qui l’on doit notamment L’affaire SK1qui évoque la traque du tueur en série Guy Georges dans les années 1990.

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