Une photo et un texte de Martine Fève
"Ce jour-là, en avril, de nombreux agneaux étaient nés en liberté sur la bog road. En friselis laineux, d’une douceur désarmante, ils n’étaient pas encore affligés de ces boucles d’ oreilles les désignant au boucher. Chacun d’eux aurait pu entourer les épaules du berger conciliant, mais il n’existait pas dans ces collines. A notre approche, ils se précipitaient en bêlant vers les mamelles des brebis, tétant frénétiquement leurs mères impassibles. Leur petite queue battait l’air comme s’ils buvaient le dernier verre du condamné. Nous nous sentions misérables, nous qui aurions aimé les caresser et non les effrayer. Manuel s’accroupissait sur la route, essayait de les amadouer par des paroles apaisantes. Mais, à leurs sens, nous étions les prédateurs, humains indifférenciés parmi les humains. Nous songions qu’il ne suffit pas d’être libre pour ne plus avoir peur."
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