Ceci est une boîte à couture. C’est tellement dur les rapports humains, tellement aride de se comprendre. De ne pas se faire de peine. De ne pas se vexer. De formuler nos difficultés et nos désaccords sans tabou, ni haine, ni colère. C’est tellement complexe de ne pas être happé par la culpabilité, par la rancœur ou par l’abattement. C’est si épineux de ne pas être blessant, maladroit ou méprisant. De ne pas montrer son exaspération, tout en exprimant sa souffrance. De ne pas exiger de l’autre ce qu'on ne donne pas soi-même. De savoir ce qu’il est juste de faire et légitime de dire. L’autre jour, un enfant d’une de nos écoles a exprimé quelque chose qui m’a marquée : il a voulu révéler à ses copains de classe que ses parents venaient de divorcer. Il n’était pas vraiment triste, mais plutôt résigné comme si l’inéluctable défaite était intégrée. Il a fini par ses mots : « Ils n’ont pas réussi à se recoudre ». Je n’aime pas penser en termes de réussites et d’échecs, mais l’idée de la couture m’émeut toujours. Quels fils faut-il pour se « recoudre » ? Avec nos amours, nos amis, nos proches, nos partenaires ? Pourquoi est-il si facile de parler à certains et si pénible de balbutier devant d’autres ? Comment faire en sorte d’évoquer ce qu’on pense pour avancer, sans choquer ? Souvent, je trouve ça si complexe que j’aimerais être un chien. Ne plus répondre, ne plus ouvrir les messages, ne plus rien affronter. Et puis soudain, je me souviens que nous avons tous une boîte à couture remplie d’ustensiles comme la confiance, le courage et surtout, des milliers de mots. Ce n’est pas une question de communication ou de techniques à maîtriser, c’est une question d’amour. Avec qui a-t-on envie de se « recoudre » ? Rien ne nous assure que ça fonctionnera et que l’assemblage tiendra, mais pour la fine poignée d’individus avec qui on a envie de le faire, ça vaut la peine je crois, de s’enfermer dans l’atelier, un point après l’autre, de tisser ce qui s’est effiloché.
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