Théâtre: l'éclatante maturité d'Emmanuelle Bercot
CRITIQUE - À Montpellier, lors de la 37e édition du festival Le Printemps des Comédiens, le metteur en scène belge Ivo van Hove a offert à l'actrice deux rôles magistraux
C'était le 1er juin et le premier jour du Printemps des comédiens qui fêtait à Montpellier, sous la pinède du Domaine d'O, sa 37e édition. Ivo van Hove y dévoilait sa nouvelle mise scène. Cette fois le Belge a mis les voiles vers la Suède, s'emparant de deux scénarios d'Ingmar Bergman : Après la répétition et Persona.
Pour le premier, un semblant de bureau de travail est disposé sur le plateau. C'est celui de Henrik Vogler, un directeur de théâtre sur la jante. Il a l'air de vivre dans ce lieu de travail, d'y dormir ou plutôt d'y combattre ses insomnies.
Dans le rôle, avec sa barbe négligée et ses yeux cernés, Charles Berling laisse bien transparaître les malheurs de ce personnage vieillissant. Sa voix monocorde et toujours enrhumée peut agacer mais on s'y fait. Elle va bien à ce traîne-misère d'Henrik et on comprend que tandis qu'il travaille au Songe de Strindberg, il n'est pas à la noce avec ses actrices.
Dès le début, il se dispute avec sa jeune première Anna (Justine Bachelet) qui serait, peut-être, sa fille. Une longue conversation sur et autour du métier d'acteur s'engage. Henrik parle de silence, de la préparation d'un rôle. Elle de son enfance. Mais surtout elle lui apprend qu'elle est enceinte ce qui le met dans une rage noire. La fécondité, eh oui, fait des ravages au théâtre. Anna pourra-t-elle assumer toutes les représentations ? Et puis plane l'ombre d'une autre comédienne, Rakel, une actrice déchue, maîtresse d'Henrik et mère d'Anna. Lorsque ce spectre intervient, la pièce prend une tout autre dimension. Le passé fait irruption dans le présent. La stupéfiante - et le mot est faible - Emmanuelle Bercot dynamite le récit.
Les nerfs à vif
À moitié ivre, à moitié folle, les nerfs à vif et le corps en rut, on se dit qu'elle tient là peut-être son plus beau rôle mais nous n'avions encore rien vu. Dans Persona elle est Élisabeth, une star des planches qui, du jour au lendemain, en pleine représentation d'Electre, a été frappée de mutisme. Soignée dans un institut où la doctoresse (Elizabeth Mazev) la considère comme « saine », elle est envoyée en convalescence sur une île, sous la surveillance d'Alma, une jeune infirmière (Justine Bachelet, plus inspirée que dans Après la répétition).
Saine ? Pas vraiment. Dans la scène introductive van Hove a pris le parti de la montrer nue, allongée sur une table d'opération, dans une position quasi fœtale. La situation bascule lorsque les deux femmes arrivent sur l'île. Alors, le décor se fait froidement enchanteur. Les murs de l'hôpital se sont effondrés, saisissante scénographie, laissant place à un paysage maritime où le calme suivra la tempête à moins que ce ne soit l'inverse. Cette histoire simplissime contient quelques coups de théâtre sublimes qui précipitent le spectacle dans la tragédie.
« Après la répétition / Persona », du 28 sept au 1er oct. à Châteauvallon-Liberté scène nationale de Toulon. Puis du 6 au 24 nov. au Théâtre de la Ville à Paris et en tournée à Cergy-Pontoise, Mulhouse, Grenoble, Le Havre.
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