mercredi 25 novembre 2020

La position de l'effort

Les Rishis qui chantent le Véda sont des poètes inspirés. Ils racontent comment ce monde est venu à l’existence et comment l’homme doit se comporter pour le perpétuer. Ils nous transmettent la connaissance, telle qu’ils l’ont vu (Véda : ce qui a été vu). Cette connaissance n’est pas un savoir, mais une expérience subjective, c’est pour cette raison que le langage le plus approprié pour la décrire est la poésie. L’origine de l’univers est une cosmo-gonie : une naissance, un passage du chaos à l’organisé, un passage de l’informe à la forme. Pour les poètes Védiques, cet avènement est une réjouissance. Rien n’est plus réjouissant que de venir à l’existence. Si l’on voit une opposition entre « Non-Être » et « Être », pour les Rishis, il s’agit davantage d’une liaison qui s’obstine à se maintenir du côté de la Vie. Sat (l’être) englobe l’ordre, la lumière, la nourriture, les dieux et les êtres, tandis que l’Asat est le désordre, l’obscurité, la faim, les démons et la non existence. Dans la vision védique, l’idée de l’existence implique toujours un combat : Prajapati lutte pour manifester le monde, il « fait effort ». Tout ce qui s’active du côté de la vie fait effort et les hommes participent à cet effort vital, en versant le beurre clarifié dans le feu du rituel, mais aussi en ayant conscience de leurs gestes quotidiens. Chaque geste contribue ainsi à l’édification et au maintien de l’existence. Chaque intention, chaque prière, chaque positionnement, rend le monde à l’existence. Ainsi, les sages védiques, sont persuadés que si l’on cessait d’entretenir le feu du rituel et de faire les offrandes en disant les paroles auspicieuses, le soleil ne se lèverait plus, le monde glisserait vers l’informe. Quand on cesse de porter attention, quand les actes sont désacralisés ils cessent d’entretenir l’harmonie et le monde dérive vers le chaos. Les « démons » sont ceux qui « défont » l’univers, ils le poussent vers le non-être, vers la destruction et la dissolution. Chacune de nos décisions ou absence de décision, fait le monde, chacun de nos gestes ou absence de geste, lui donne sa forme d’instant en instant. Dans le Véda des origines on insiste sur la notion de « faire couler », qui n’a rien à voir avec celle de « laisser-aller ». « Faire couler » signifie que chaque être humain est une source, chaque être humain est responsable du flot, car c’est à partir de cette source que le monde vient à l’existence. Cette création permanente réclame un effort, car l’existence, livrée à elle-même, retourne à la non-existence d’où elle est issue. Il n’y a rien de moral, aucun jugement, c’est la pente naturelle des choses. La sacralisation de nos actes est une manière de nous le rappeler. Sans ce rappel, l’oubli efface la connaissance, le soleil tend à disparaître, les forces de l’ombre progressent. Loin d’être une punition, l’effort est ce qui nous permet de goûter à la réjouissance, ce qui nous permet, jour après jour de faire pencher la balance du côté de la Vie, ne le négligeons pas, chacun de nos efforts est une prise de position, une façon d’émettre le monde tel qu’il mérite d’apparaître : dans la réjouissance de l’Être.

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