vendredi 8 novembre 2024

La vie et l'avis de Julie

Julie est hindouiste .Issue du védisme et passée par le brahmanisme, sa religion repose sur deux principes fondamentaux : l'univers est basé sur la Vérité, et l'homme est composé d'un corps matériel périssable et d'une âme éternelle se réincarnant indéfiniment jusqu'à être à même de manifester la perfection  Chaque hindou choisit un dieu ou plusieurs  à qui se dévouer au long de sa vie, marquée par de nombreux rites. Les vaches en font partie. Hier l'une d'entre elles est entrée chez Julie, a traversé la piece commune  sans que le grand-père endormi ne se réveille, et à mangé dans la cuisine la pile de chapatis. Pour Julie c'est une bénédiction. Il restait le pot de dal et le  plat de riz pour nourtir la famille. Et elle est persuadée que la vache les lui rendra à la boutique ces chapatis sous forme de clients  qui sinon n'y seraient pas entrés. 


Elle m'a déjà dit que lorsque la maison du Karnataka sera finie, elle ne pourra y habiter qu'après qu'une vache y soit entrée pour pisser.  La baptiser en quelque sorte. Si elle  pouvait faire plus et  y laisser une bouse,  ne serait -ce que sur le seuil, ce serait de meilleur augure encore et elle n'aurait plus de souci à se faire. La maison serait alors sous haute protection.

Julie jeûne le lundi et le mardi pour plaire à ses dieux et elle croit que, Ganesh, sage et intelligent, fils de Shiva et Parvati, peut  grâce à ses 4 bras nous ôter tout problème. Son code de vie met l'action sur la bonne conduite, la bonne moralité car pour elle le Karma n'est pas seulement une hypothèse. Elle sait que ses actions et ses pensées quotidiennes déterminent ses incarnations présente et future. Ici je peux laisser ma porte ouverte . Les Hindous ne me voleront pas sachant qu'ils seraient volés à leur tour au centuple. Ils ne risqueraient pas de compliquer leur libération. Le but ultime de cette religion étant de se libérer des renaissances successives .

Elle est ultra disponible pour ses 3 enfants , je ne la vois jamais les gronder ni les réprimander , ni les forcer à quoi que ce soit. Ils vivent et s'expriment très librement. Elle se considère leur amie. Cependant elle n'attend que de marier ses filles ( bientôt 16 et 18) dans un délai de 5 ans . Elle a 1 fils qui plus tard subviendra à tous ses besoins. Elle espère qu'il pourra devenir fonctionnaire . (Il rêve, du haut de ses talentueux 13 ans,  d'être champion de cricket, en attendant )

Hier soir , vers 20h, un corbeau, pendant que nous parlions, a hurlé, avec insistance, de façon différente, de façon plus aigüe . Cet oiseau est vu ici , comme dans de nombreuses autres cultures comme un oiseau de mauvais augure d'abord parce qu'il est noir et donc associé au deuil, à la mort . Et  qur symboliquement il est perçu comme annonciateur de mauvaises nouvelles.

-" Oh! me dit-elle aussitôt, il y aura un mort dans notre entourage avant demain soir " 

Ce matin elle me confirme qu'elle n'a pas attendu 24h pour avoir la nouvelle de la mort de l'ami de son mari terrassé brutalement hier au soir par une crise cardiaque.


Sunesh ici lundi dernier à la pendaison de crémaillère  apporte son cadeau - Il est  en chemise à carreaux, à gauche du maître de maison. Somesh est le dernier à droite 

Il va devoir faire 10h ou 12h aller-retour de route pour assister la famille . Sunesh laisse une épouse et deux enfants de 6 et 10 ans. Il n'avait pas 40 ans. 

-" La vie, a dit Julie, est fragile. Au diner, il était vivant. Il avait de l'argent et ça ne l'a pas protégé. Heureusement que lui, on l'a beaucoup aimé. Et aimé pour lui-même. "

 

Il y a beaucoup de mendiants ici, beaucoup d'enfants . C'est difficile de savoir si on les aide vraiment  en les aidant.  Les parents souvent les attendent un peu en avant . Il y en a à qui je donne parce que l'on m'a raconté leur histoire , un veuvage récent par exemple, un père absent parti à Dubaï et qui n'envoie plus d'argent . Ce matin j'en ai aidé 3 à raison de 50 ou de 20 roupies chacun . Avec 20 centimes d'euro ici, ils peuvent acheter une bouteille d'eau ou un berlingot de lait.




Puis est arrivé un vieil homme manchot, sexagénaire je dirais . Comme il s'éloignait après qu'on  lui eut donné de quoi s'offrir à manger , je demandai à Julie ce qui lui était arrivé . Elle l'avais toujours connu comme ça depuis qu'elle vit ici. Peut-être était-il né ainsi. Puis elle a conclu en disant :-  "A gift of God I suppose !" sous entendu  : sans main il n'aurait pas à travailler pour se nourrir .


Maintenant c'est au tour de cette femme, à nouveau enceinte et qui vit en faisant travailler ses 7 ou 8 enfants dont l'aînée a 10 ans, dans une sorte de petit cirque familial. Sur la plage ou dans la rue, ils s'improvisent, jusqu'à parfois minuit,  funambules, jongleurs, contorsionnistes, gymnastes d'infortune pendant qu'elle frappe le tambour ! Pas de DDASS ici , Pas d' ASE pour protéger ses petits, pas d'Allocations  Familiales non plus ! 

Ca me met mal à l'aise de la voir en quelque sorte  "acheter la pitié ". Mais comment la laisser passer comme si de rien n'était ? Comment ne pas se soucier des plus démunis si nombreux dans un pays comme celui-ci ? L'opulence sur ces lieux de vacances pourrait passer pour une offense face à ces miséreux.  Avec bon sens, Julie me donne son avis : " Si elle ne faisait pas un enfant par an, elle aurait moins de bouches à nourrir. Et moins de cirque à faire. Ne l'aide pas  "  Il est vrai que pour nous, Euro-péens, être généreux est facile, discerner ce qui est juste ou pas, l'est moins. 

Tiens voilà qu'elle repasse . L'euro a été transformé en caramel, on dirait, à voir la bouche barbouillée du petit. Qu'il se transforme au moins en caramel gagnant ! 

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