lundi 7 octobre 2024

Les Bretons de SylvainTesson

 

Le Breton il est PARTOUT  (comme l'Irlandais d'ailleurs ! )



ENTRETIEN. Sylvain Tesson : « L’écho de la vilenie se dissout en Bretagne »

Dans « Avec les fées », paru en janvier dernier, l’écrivain racontait son voyage à la voile le long des rivages celtiques. Il y décrivait sa passion pour ces paysages singuliers qui forment un état d’esprit propre aux habitants de la Bretagne. Le magazine « Bretons » lui a demandé pourquoi il aimait la Bretagne.



 RENCONTRE. Sylvain Tesson : « Le malheur de la Bretagne est de ne pas être une île »


Dans Avec les fées, vous évoquiez votre attachement aux paysages bretons, mais vous parliez finalement assez peu des gens. À l’issue de toutes vos rencontres et dédicaces, vous avez certainement rencontré des Bretons. Qu’en avez-vous pensé ?

Je ne parle pas beaucoup des Bretons dans mon récit de voyage en Bretagne, pour une raison très simple : on n’a pas besoin de venir en Bretagne pour rencontrer des Bretons. C’est la caractéristique du Breton : il est partout. C’est l’une des manifestations de sa nature, une des caractéristiques qui le définit le mieux. Moi, j’ai rencontré des Bretons partout autour du monde.

Pas plus tard qu’il y a quelques jours, sous l’eau. Le Breton est tellement avide d’occuper tous les espaces du monde qu’on en trouve même sous l’eau ! J’étais dans un sous-marin nucléaire d’attaque de classe Suffren, invité dans le cadre des échanges de la Marine nationale avec les Écrivains de marine. Dans ce sous-marin, dans le corps des officiers, des sous-officiers ou même des transmetteurs, il y avait des Bretons.

C’est ce qui est merveilleux. Partout où mes pas me portent, dans de très lointains pays, je rencontre des Bretons. C’est peut-être ce qui me rapproche le plus de ce peuple qui n’est pas le mien, puisque je suis Picard d’origine : nous avons une capacité à nous trouver heureux ailleurs, tout en aimant beaucoup l’endroit d’où on vient.



 « Le malheur de la Bretagne est de ne pas être une île »


Ces Bretons, leur trouvez-vous des points communs ?

La Bretagne a une position géographique extrême. Précisément parce que le caractère extrême des choses est défini par la géographie, cela permet aux Bretons de ne pas y succomber. Ce qui est contenu dans l’ordre géographique permet aux Bretons d’y échapper dans l’ordre politique, spirituel ou intellectuel.

C’est pour ça d’ailleurs que les grandes options extrêmes ne marchent pas très bien en Bretagne : ni le communisme ni le fascisme. C’est étonnant. Parce qu’il y a chez le Breton ce que l’écrivain Jean Markale appelait « la dynamique de l’être ». C’est une très belle expression qui, à mon avis, définit les Bretons.

 

Je crois qu’être toujours les témoins de la mort du jour forme le caractère des Bretons.

 

À force de vivre sous un ciel qui change toutes les cinq minutes – pour le grand malheur du Parisien qui voudrait qu’il fasse beau tout le temps –, à force de vivre sur un littoral soumis à un système fluctuant de marées et à force de vivre dans un arrière-pays qui, lui, vit sous un régime de vent et de mouvement permanent de la végétation, avec ce caractère chatoyant et ondulant de la bruyère et des bois, cela influence l’esprit, l’être dont parle Jean Markale.

De plus, les Bretons que j’ai rencontrés lors de mon voyage à la voile étaient plutôt des Bretons du littoral. Je crois – je fais une psychologie géographique – qu’être toujours les témoins de la mort du jour forme le caractère des Bretons. Quand on vit sur le balcon où on assiste chaque soir à la mort du soleil, on a en soi une propension à la mélancolie et à l’espoir.

Pour ce qui est des Bretons que j’ai rencontrés en librairie… La seule chose que je peux dire, c’est que c’était au moment où j’étais la cible d’une attaque politique, qui venait des socialistes qui avaient décidé pour une raison que j’ignore de me « canceller », comme on dit aujourd’hui, de m’annuler du champ médiatique, notamment peut-être à cause de mon soutien à Israël.

Et alors que, partout, venant de la pensée très conformiste, notamment progressiste, j’étais la cible d’attaques parfois très cruelles parce qu’on s’en prenait à ma famille, pendant ma semaine en Bretagne, peut-être en vertu de la dynamique de l’être, du vent dans la bruyère et du soleil sur la mer, pour toutes ces raisons, je n’ai jamais eu ne serait-ce que l’ombre de l’écho de cette polémique.

Comme si la vilénie, l’écho de la vilénie se dissolvaient à peine arrivés en Bretagne. Comme si les barrages institués par Anne de Bretagne refusaient la stupidité des algarades jacobines centrales.

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