Ce que j'ai lu de plus beau aujourd'hui , posté par Maela Paul sur Facebook.
Merci Maela
Les visages des hommes rencontrés dans ma vie
me poursuivent et vivent à l’intérieur de mon esprit.
Les visages des hommes rencontrés dans ma vie
me regardent et m’accablent.
Je pourrais les dessiner mais je n’ose pas.
des bagues et des colliers, des fleurs de velours,
certains sont demeures, ou jardins, ou fleuves,
certains sont un voyage, une plage, un désert.
Certains sont de marbre, certains sont phéniciens,
certains sont romains, grecs et pernicieux
aux traits qui s’effacent.
Certains ont de la peine, beaucoup de peine,
et de longues chevelures qui pleurent au vent.
Certains sont horribles, ils me préviennent presque toujours
qu’un danger me guette.
Certains ont des heures marquées dans les yeux
et sont comme des clepsydres,
ils me réveillent la nuit.
Certains m’ont aimée
et ils ont remué les lèvres pour dire mon nom.
Certains n’ont jamais compris ce que je leur ai dit
ni su pourquoi je les ai longtemps regardés.
Certains sont anonymes,
ils apportent des fruits et des plats, des mains de terre cuite,
comme les saisons.
Certains se mettent à genoux, cherchent quelque chose dans la terre.
Certains comme des oiseaux étirent sans cesse le cou.
Certains se sont penchés
pour écrire leurs noms sur mon cœur
sans que je le remarque.
Certains furent miens, certains se sont éloignés
et ont perdu leur sexe, leur vertu et leur candeur,
ils furent comme l’image
de l’enfer dans le monde
que nous essayons en vain d’oublier.
Certains furent des divinités
que je n’oublierai jamais.
Silvina Ocampo (1903 – 1994, Argentine)
Traduction : Stéphane Chaumet
Sculpture : Clayton Thiel
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