Je suis sortie avec l'intention d'aller me recueillir à l'église Ste Sophie sur le côté ouest du Bosphore qui se trouve être proche du quartier où je suis . Une église au 4ème siècle catholique dédiée à la sagesse divine représentée par le Christ, puis devenue mosquée, en 1453, transformée en musée en 1938 , réouverte en 2020 au culte musulman ..
A 10 minutes à pied, me disait-on. Ca m'a pris 45 au train où je me déplace. Ca monte et ça descend sans cesse ici, si bien que marcher dans cette ville est vite fatiguant même pour les locaux. Je suis passée devant quelques beaux immeubles et des dizaines de boutiques et de bazars.
Je n'étais pas peu fière ! Je n'avais pas un instant imaginer qu'il y avait une queue de visiteurs de plus de deux heures... alors tant pis. Je ne la verrai que de l'extérieur cette Sainte Sophie là et n'en connaitrai la splendeur intérieure qu'à travers les centaines d'images trouvées sur le net.
J'étais tellement épuisée que je me suis arrêtée prendre un thé à la pomme dans un des cafés typiques du coin. Ambiance garantie, musique orientale et café turc.
Et puis je suis restée parler une heure à un marchand de tapis qui m'a offert de me reposer près de lui sur une deuxième chaise sortie de sa boutique. Il avait une soixantaine d'années bien tassées, 70 peut-être et s'est plaint de devoir avoir encore à travailler, le montant de sa retraite n'étant mensuellement que de 230 euros.
Mais il a ressucité pour moi l'Istanbul de sa propre jeunesse .
"Maintenant, disait-il, on ne voit plus que des singes barbares, des hypocrites tourneboulés par le fric, trichant, volant, profitant. Sans notion de karma apparemment. Quand j'étais jeune, ces rues étaient pleines d'humains joyeux qui échangeaient, partageaient, se soutenaient. La ville bien sûr était plus petite , plus vivable, si belle . Elle est encore tellement belle. Si belle que je me demande combien de tous ces gens en majorité ignorants la méritent vraiment. Même Ste Sophie ils l'ont transformée en machine à rendement ! Je passe mes journées assis à cet endroit et croyez-moi j'en vois ! Je vois le monde entier passer, ces hommes qui se pavanent avec leurs 4 épouses (comme si ce n'était pas déjà assez difficile d'en honorer et d'en respecter une !) hypocritement voilées qui cachent leurs visages, effrontément maquillées et leurs vêtements moulants, ces touristes impudiques, dépensiers, inconscients de ce que la Turquie vit, plus qu'ignares sur la culture et sur l'histoire, ces enfants mal élevés balançant leurs trognons de maïs comme s'ils allaient se dissoudre tout seul, ce chauffeur de taxi qui vous a volé hier mais qui ira faire ses simagrées à la mosquée... Ils n'ont plus le temps de lire le Coran. Ils croient dans Allah et ne se souviennent pas que le Dieu unique est Amour. Ils sont tellement préoccupés par le paradis qu'ils doivent gagné qu'ils en oublient de voir la réalité . Le beau pays de ma jeunesse a été détruit par l'ignorance des dirigeants, comme l'a été l'Iran, et le si bel Afghanistan . Oh chère Madame, comme l'humain me manque. Cette Terre est si belle ! C'est tellement bien d'être un humain'"
Il fut marié il y a très longtemps, alors qu'il travaillait à Londres, à une "irish gypsie". Ils avaient vécu 6 ans ensemble en très grande harmonie ; leur mariage n'a pas tenu six mois ! Maintenant il n'a plus les moyens de sortir ou de s'offrir une bière régulièrement mais le dimanche avec son épouse actuelle, ils tamisent la lumière, écoutent un morceau de jazz en dégustant un mojito ou un gin fizz et se tiennent par la main en symbole de soutien.
Il m'a expliqué combien les Palestiniens étaient heureux de vendre leurs terrains aux Israéliens et se frottaient les mains d'être aussi malins sans envisager qu'ils vendaient la terre de leurs ancêtres et celles de leurs enfants juste pour de l'argent... et que maintenant ils ne voient toujours pas les erreurs commises, autorisées et facilitées par des inconscients, oubliant ou méconnaissant les lois implacables du Karma . Il n'en revenait pas que l'on puisse s'étonner de ce qui se passe en ce moment.
Il a dit beaucoup de choses encore sur la politique de Recep Tayyip Erdogan. Puis il m'a invitée à venir prendre le thé lundi après-midi mais je n'aurai jamais le courage de remonter et de redescendre ces rues escarpées d'une des plus belles villes du monde. Ca me mettrait définitivement au tapis !
Ce fut un bel après midi . Je me sens tout particulièrement bien ici .
Finalement il est possible que j'y aille lundi !
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