Il existe, à partir d’un certain état de présence, un degré de perception de la réalité qui permet la dissolution des pires souffrances. C’est là que réside une poche de joie, pulsatile, qui ne cesse jamais d’exister.
La rencontrer ne nécessite aucune formation, ni lecture, aucun enseignement secret, ni diplôme, simplement le désir profond de regarder en soi en délaissant les filtres et lunettes déformantes que sont nos blessures. Bien sûr cela demande un certain « travail ». Cela nécessite de descendre dans notre cave, métaphore de l’inconscient.
Descendre les premières marches nous apprendra d’abord que la lumière est éteinte, et que malgré notre frénésie à actionner l’interrupteur, l’ampoule est vraisemblablement grillée. Quelques marches plus bas, nous découvrirons qu’il y a probablement eu une inondation, et que ces innombrables cartons entreposés là depuis notre enfance sont entrain de pourrir.
Là, nous commençons déjà à vouloir nettoyer à tout prix, rapidement. Et c’est la dernière chose à faire.
Je t’invite à observer, et surtout ne rien faire. Dans cette obscurité totale et nauséabonde, je t’invite à ne pas céder à la volonté de trier, de gesticuler, de ranger hâtivement cet amoncellement désordonné.
Là, justement, simplement, il faudrait s’asseoir, en plein milieu. Et allumer une bougie, déjà. Commençons par une, une seule. Voilà… je te présente le moment présent. La conscience du moment présent brûle la souffrance.
Et peut-être pouvons-nous à présent, assis au milieu de la cave, observer la lumière se faire, au rythme du vacillement de la flamme de ta conscience. Te sentir respirer, consciemment, jusqu’à entendre ton propre souffle. Et peut-être que là, tu t’autoriseras enfin à entendre des pleurs provenant du fond de la cave. Ce sont les appels de détresse de cet enfant intérieur que nous avons, chacun, enfermé dans notre cave. Et nous passons notre vie d’adulte à danser à leur rythme, dans la plus totale inconscience.
Le rejoindre et le prendre dans les bras, nécessite beaucoup de présence, beaucoup de conscience, et une absence totale de jugement. Et tu te rendras compte que, s’il est facile d’être tendre avec les autres, être tendre avec toi-même nécessite beaucoup, beaucoup de courage. C’est ici la première porte à passer, qui mène vers cet endroit de joie. Elle est basse et étroite, et y passer nécessite l’abandon de beaucoup de bagages aussi inutiles qu’encombrants.
La traverser ne nécessite aucun effort, au contraire. C’est ta force, ta résistance et ta volonté de contrôle qui t’empêchera de la traverser. La traverser nécessite un effondrement, un abandon, une vulnérabilité souriante, une confiance dans ce qui nous porte depuis toujours. Une confiscation du « Soi » par le « Cela ».
Et c’est là, seulement là, vous pourrez tous les deux commencer, lentement, très lentement, à ouvrir les cartons ensemble. Avec un sourire que plus rien n’éteindra jamais.
Stephan Schillinger
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